« Vuelta » en Aragon

« Vuelta » en Aragon

Habitant dans le piémont pyrénéen, les tristes journées sous la « mousson » béarnaise printanière sont parfois difficiles à vivre. Un solution s’impose alors pour que le moral se cale au beau fixe, à l’inverse du temps : direction l’Espagne.

Par Patrick Dufaur

On remonte la vallée d’Aspe, pour s’engouffrer dans la bouche béante du tunnel du Somport sous le ciel toujours gris du versant nord, et miracle, dès la sortie de l’autre coté, une tempête de ciel bleu nous accueille dans la vallée du Haut Aragon. Encore quelques kilomètres, et déjà les hêtres, fougères et autres mousses, cèdent la place à la végétation méditerranéenne et aux barres de calcaire bleutées. Évidemment très vite atteint par la douceur de vivre du pays, un arrêt s’impose au petit bar de Villanua, pour un petit déjeuner, « Café con leche y pan tostados », il est vrai, que nous sommes un peu en altitude, et certes si le soleil est là, souvent un petit air froid nous fait sagement attendre un peu pour enfourcher nos montures.

Déjà ici à Villanua sur les flancs de la Collorada, le sommet emblématique dominant le village, une piste très roulante nous permet de nous élever sur les pentes du massif, pour pouvoir ensuite plonger dans les monotraces de tous niveaux, certains roulants pour les amateurs de « All-mountain », d’autres plus chaotiques pour les enduristes. En descendant la vallée, on rencontre le petit village de Castiello de Jaca, ici aussi l’éventail de traces en comblera plus d’un. Coté gauche dans la sens orographique, des pistes montant vers le village abandonné de Cénarbe pour continuer vers le haut de la vallée de la Garcipollera et rejoindre le magnifique et imposant édifice roman d’Iguacel perdu au milieu de nulle part.

Toujours du même coté de la vallée, une visite sera possible au village abandonné de Bergosa. On l’atteint de ce coté par une belle piste. Pour la descente, plusieurs options. Soit directement sur Castiello de Jaca par un sentier tracé et balisé par les vététistes du coin, soit en franchissant la crête au dessus du village abandonné et depuis le col d’Ipas par le magnifique monotrace : « El sendero de Claraco ». Il nous fera rejoindre la route internationale en aval de Castiello de Jaca, il ne nous restera plus qu’a rejoindre le point de départ par le chemin de Saint jacques. Coté droit, de belles boucles parcourent la « Sierra de Los Angeles », un retour vers le village de Borau sera possible, on remontera au col d’Aratores pour descendre par un sentier sur Castiello de Jaca.

Plus au Sud, on rejoindra Jaca. Là aussi sur les flancs de la Peña de Oroel, une multitude de traces s’offriront à vous, mais attention, le secteur vient d’être récemment classé « Espace protégé », et la pratique de notre activité est très réglementée, des sentiers et des boucles nous sont dédiés, signalisation en place, prière de la respecter, sinon des interdictions seront plus draconiennes. Les espagnols sont des gens éminemment gentils, à condition de rester dans les « clous ». Petit aparté, sans rentrer dans un débat « pour ou contre ». Vous évoluerez dans d’immenses étendues non peuplées, le gibier est abondant, surtout le gros, pour preuve, le « labourage » que font les sangliers en retournant la terre sur les sentiers.

La chasse est une institution en Espagne, et la cohabitation avec les chasseurs se passent en général très bien, avec un respect mutuel, mais à la période où cette activité est pratiquée, attention aux battues, elles sont tout le temps signalées et encadrées, il suffit d’éviter ces secteurs. « Si quand même » , ça m’est arrivé par étourderie !!! J’ai en ce qui me concerne un gilet jaune dans mon sac, que j’enfile pour me signaler. Faire ici une liste complète de toute les boucles autour de Jaca serait rébarbatif, et ce n’est pas l’objet de ce texte. On trouvera facilement sur le VTOPO Premium toute la documentation nécessaire.

Avant de nous éloigner de Jaca pour visiter la vallée voisine, il faut parler un peu de cette ville, parce que « Y’a pas que le vélo ». Jaca a aussi été emportée comme ses grandes sœurs dans la « Movida » des années 80. Mais bien loin de céder aux sirènes du mercantile, et du facile piège à « touristes », elle a su garder son identité aragonaise. Il règne dans cette ville une douceur de vivre peu commune. Il suffit d’y venir un jour à l’heure du « paseo » pour s’en faire une idée. Les rues pleines de gens qui s’y promènent, toutes générations confondues.

S’attabler au bar, devant les gros tonneaux qui servent de table, face à la vieille cathédrale, et y déguster un verre de Somontano avec une assiette de "jamon de Teruel", ou autres "tapas", est un plaisir que je souhaite à tous. Une énergie dont on se demande les origines a fait surgir en périphérie des ensembles immobiliers, mais sans pour cela délaisser le centre ville. L’économie profite d’un tourisme sain, et est "boosté" l’hiver par la fréquentation des stations de ski de la haute vallée de l’Aragon. Elle profite aussi d’une importante garnison militaire ainsi que de l’École militaire de Haute Montagne. 

Les façades des maisons au fil des ans ont repris des couleurs, et les boutiques ont fleuri le long des trottoirs. Pour preuve de ce dynamisme, Jaca avait présenté sa candidature pour recevoir les jeux olympiques d’hiver 2014. Hélas, elle ne fut pas retenue, je pense que malgré sa modeste taille, elle aurait su pleinement remplir ce rôle d’hôte pour cette manifestation.

On quittera cette vallée pour visiter ensuite plus à l’est sa voisine et jumelle le « Vall de Tena » ou Haute vallée du rio Gallego. On rejoindra plus particulièrement la petite ville de Biescas, elle a su intelligemment profiter des enseignements d’Ainsa et de l’association « Zona-zéro ». Ici aussi en effet les membres d’une association très dynamique, « Espacio BTT Pirineos Alto Gállego », ont su ouvrir, nettoyer et baliser une multitudes d’itinéraires. La plupart de ces derniers, de par la nature du terrain aragonais ne sont pas à mettre sous toutes les roues, bien que pas extrême, le niveau est tout de même assez exigeant.

Cependant certaines boucles en fond de vallée sont plus accessibles. On trouvera dans la partie amont aux alentours de Sallent de Gallego des traces orientées montagne. On évoluera ici dans un décor magnifique. Des pistes montantes au pied du versant Nord de la Sierra de Partacua, dont l’une d’entre elles nous conduira au col de Pacino, panorama garanti sur les premiers 3000 pyrénéens. Maintenant au dessus de Biescas, à moindre altitude, un éventail conséquent d’autres boucles s’offrent à nos roues.

Pistes carrossables, petits sentiers entre les murets en pierre, nous permettront d’accéder à une multitude de petits villages abandonnés : Ainielle, Susin, Casba de Jaca, Escuer Alto, et d’autres encore peuplés : Larrede, Olivan, Yesero, etc,etc... La liste n’est pas exhaustive ! Depuis les points hauts, on rejoindra les points de départs par des monotraces plein de surprises, parfois roulants, sur terre battue ou des tapis d’épines de pin, parfois plus chaotiques où la « caillasse » émerge, mais toujours nettoyés pour les plus parcourus. Une particularité de cette vallée, les amateurs de vieilles pierres seront séduits.

On rencontrera parfois des ruines de fortifications : tour de guet de Larrede, château d’Escuer Alto, et beaucoup plus souvent de vieilles églises romanes ou plus précisément mozarabe, cet art un peu spécial, survivance du temps pendant lequel activité chrétienne rimait avec occupation musulmane. Ainsi on ne manquera pas de rendre visite à San Bartolomé de Gavin, San Pedro de Larrede, San Juan de Busa... et tant d’autres.

Plus bas encore on trouvera la petite ville industrielle de Sabinanigo, ici aussi les vététistes de l’association, ont créé des itinéraires, jusqu’au pied du col de Monrepos donnant accès à la plaine de Huesca. On trouvera des traces faciles au départ des villages de Caldearenas ou Javierrelatre. On y évoluera sur des pistes roulantes. Au départ de Yebra de Basa, là aussi une piste roulante nous montera à l’église de Santa Orasio, par contre de cet endroit les itinéraires de descente sont plus exigeants pour descendre sur Satué ou Isin de Basa, voire réservés aux experts pour descendre par la corniche des ermitages, splendide balcon suspendu au dessus du vide.

Enfin carrément au Sud une très belle boucle partira du village de Gesera pour nous conduire au village d’Ibirque et son beau dolmen, une descente typée enduro, mais aux difficultés raisonnables nous ramènera au point de départ, mais nous serons déjà ici à la limite de la Sierra de Guara. Dans le même secteur, j’oubliais « La ralla de Rapun », petite boucle facile qui traverse le village d’Iport repeuplé par de doux marginaux, visitez l’église, une surprise vous y attend.

Ici aussi comme dans la vallée au dessus de Jaca, on pourra suivre les itinéraires balisés, mais pourquoi pas être plus aventuriers, et en fouillant sur le Net suivre des boucles plus secrètes, les pratiquants espagnols ont l’imagination débordante. En tous cas ce petit coin d’Aragon nous invite à lui rendre visite toute l’année, y aller un jour, deux jours ou une semaine, vous aurez l’impression d’être parti un an, mais attention, c’est un peu dangereux, parce que, quoiqu’il arrive vous deviendrez sûrement « accro » !

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