Le rêve américain

Mi-mars, une grosse fracture de la jambe suite à une chute à ski me fait louper mon trip en Tasmanie avec Hans Rey. Je suis encore à l’hôpital, alors que j’aurais du m’envoler pour une grosse semaine au pays des kangourous. Le coup est dur, mais j’essaie de garder le moral en pensant au trip US de septembre. Le chirurgien est assez sceptique, il me dit que dans 6 mois, je pourrai reprendre une vie normale, cela veut dire que seulement à ce moment-là, je pourrai reprendre une activité physique normale. Je pars avec ce handicap mais avec la volonté de remonter sur un vélo en 3 mois. J’actionne une rééducation active 5 fois par semaine, à raison de 2h30 par jour. J’écoute mes sensations et je progresse régulièrement. Le chemin est long, mais je vais rien lâcher. Début juin, j’arrive à remonter sur un home trainer, fin juin sur un vélo de route, début juillet sur un VTT… Je fais de mon mieux mais les douleurs sont là. J’ai cassé mon tibia et mon péroné en plusieurs morceaux, une grosse plaque vient tenir tout ça… Fin août, je suis sur le VTT avec Hans Rey et Brian Lopes à Livigno, je sers les dents tous les jours. Début septembre, je poursuis mon entrainement, basé uniquement sur du vélo de route. J’arrive fin septembre, prêt. Les douleurs sont toujours là, mais le cardio est revenu. Pour ce trip, j’embarque des potes qui ne se connaissent pas, c’est le challenge. Seront du voyage Aurélien Fontenoy, le pro-rider en trial VTT ainsi que 2 amis, Fred de Marseille et Romain de Bercelonnette. Nous décollons de Marseille pour gagner Las Vegas. J’ai prévu un programme dense, ambitieux mais jouable : 12 jours de VTT non stop à travers l’ Utah, le Colorado, l’Arizona et le Nevada ! Un rêve qui va falloir mener à bien. J’ai essayé de tout planifier au mieux, nous roulerons parfois 2 fois par jour. Il y aura souvent des grandes distances en voiture, des réveils tôt… Arrivés à Las Vegas, il pleut… C’est bien la seule chose que je n’avais pas imaginé. Etre dans le désert et voir tomber la pluie. Heureusement il fait bon, mais nous allons vite déchanter. Toute notre valise est basée sur un équipement d’été. A part un maillot manche longue et une veste Gore Tex pour moi… Dès l’arrivée, à Las Vegas, nous récupérons nos bagages et nos vélos, une bonne chose de faite. Dans la foulée, nous prenons en mains nos 2 voitures. Au départ j’avais opté pour un grand van, mais aucune agence de location n’a voulu me certifier le retrait d’au moins 2 banquettes arrières pour mettre les vélos. Du coup, nous nous sommes rabattus sur une solution à 2 voitures. Au final, c’était moins cher et niveau carburant le van consommait le double d’une voiture normale. Donc le bilan est plutôt bon. Nous quittons Végas, de nuit, sous la pluie. Après 2h de route, nous arrivons à Saint Georges où nous avons réservé notre premier hôtel miteux. Nous nous écroulons dans nos lits, il est 1h30 du matin. Le lendemain nous montons nos bikes, tout est ok, c’est un soulagement. Nous sommes prêts pour aller rouler. Première étape, un ride à côté d’Hurricane, juste derrière Virgin où se déroule la Rampage chaque année. Mais il a plu toute la nuit. Nous empruntons la piste d’accès, mais la boue est présente. Ici c’est de l’argile, nous mettons en condition nos 2 Dodge, les voitures n’aurons aucun répit durant notre trip… Ca glisse dans tous les sens, nous craignons de rester embourbés… Plus loin, alors que la piste se dégrade, nous croisons un énorme pick-up typiquement américain chargé de vélo. Le gars fait demi-tour, trop de boue, il s’enlise. Nous décidons alors de bâcher ce premier ride. Le trip commence mal. Nous reprenons la route la mort dans l’homme pour nous rendre au 2e trail prévu le lendemain. Nous arrivons aux portes de Bryce Canyon en début d’après-midi. Le temps est à la pluie, ça tombe fort… Nous décidons quand même de rouler ce fameux Thunder Mountain. C’est trop beau pour le zapper. Nous laissons une voiture au sommet (finalement, on va se servir de nos 2 mini-van pour faire quelques rotations). Alors que nous sommes prêts, la pluie redouble. Nous attendons patiemment. Finalement, une courte accalmie pointe son nez, nous attaquons le trail. Le paysage est somptueux, le trail parfaitement travaillé, on est directement dans l’esprit US. Même si tous les sentiers ne sont pas ouverts au VTT, ceux qui le sont, sont parfaitement taillés pour notre pratique. Les pentes toujours modérées, l’idée est de privilégier le flow. Régulièrement des pierres viennent combler les trous, rendre les marches moins dangereuses et moins hautes. C’est du beau travail. Le Thunder Mountain déambule à travers une belle foret de résineux. La terre est rouge, c’est splendide. Plus on monte, plus le terrain est trempé et plus la boue colle à nos bikes. Une fois sur le plateau, là où l’eau ne s’écoule plus, nos bikes deviennent lourds comme des ânes morts. Les roues se bloquent, ça sent la galère… La fin de la pluie coïncide avec le début de la descente. Nous prenons l’option de nous arrêter le moins possible pour que nos pneus débourrent. Bien entendu, nous sommes équipés de pneus pour terrain sec. Venir ici fin septembre et chopper la pluie, il faut le vivre. Avec un peu de vitesse nos pneus débourrent, mais nous sommes dans un état pas possible. Plus on descend, meilleur le terrain est. On prend déjà un maximum de plaisir. Les paysages sont hallucinants : terre rouge, orange, tours, cheminées de fées, gorges, canyons… Incroyable. Le Thunder Mountain tient ses promesses et nous arrivons en bas avec une banane démesurée. Place au nettoyage : voitures de fond en combe, vélo et fringues au karcher, nous y passons plus de 2h. Nous avons le temps de prendre la route en direction de Grand Junction. Sur notre chemin les motels sont tous pleins, nous sommes en périphérie des plus prestigieux Parcs Nationaux Américains. Finalement, nous sommes dans l’obligation de pousser jusque dans le Colorado, nous arrivons à Grand Junction, il est minuit, nous sommes claqués. Le lendemain nous récupérons Aurélien, qui vient d’arriver de Chine. Ca y est, l’équipe est réunie. Je change quelques peu les plans car nous aurions du arriver ici dans l’après-midi. Nous avons le temps de faire un trail de plus ce matin. Nous jetons notre dévolu pour un itinéraire récent, au nord de Grand Junction. Nous organisons une dépose voiture, c’est du bon 4X4 avec des voitures de tourisme. Franche rigolade lorsque l’on pose le bas de caisse sur une pierre saillante… A vrai dire, nous serrons les fesses de ne pas rendre les voitures en piteuse état. Nous démarrons notre premier ride dans le Colorado. Nous grimpons dans une sorte de vallée très désertique, dans l’esprit des films américains. Le cadre est magique, aride et rocheux. Plus haut, nous débouchons sur une crête d’où la vue sur Grand Junction, Fruita et le Colorado est magique. Pour rendre ce cadre encore plus américain, nous entendons le sifflement d’un train tout droit sorti d’un film de cowboy ! C’est extraordinaire, on imagine voir débarquer des indiens derrière chaque caillou… On attaque la descente, le trail est lui aussi bien aménagé, le tracé est technique et fluide. Après une bonne et longue descente nous gagnons les rives du Colorado. Une courte pause, puis nous repartons cette fois-ci de l’autre côté pour un itinéraire bien connu dans le coin : Palisade Rim. La température est montée d’un cran, heureusement qu’un bon vent apporte un peu de fraîcheur. La montée de Palisade est raide et technique. Il faut s’arracher en permanence, on évolue uniquement sur sentier qui grimpe entre les rochers. Le paysage est encore une fois magnifique. Au premier plateau, nous admirons les premiers pétroglyphes que nous voyons aux US. Ces gravures sur le rocher, ici des cerfs, sont très anciennes. Très faciles d’accès, elles ne sont en aucun cas dégradées. Nous continuer de monter jusqu’au second plateau. La descente arrive, nous passons à proximité de falaises, en bord de plateau. Les vues sont fantastiques, le Colorado coule tranquillement tout en bas. Les passages techniques sont abordables, le trail n’est pas très dur, mais il faut rester concentrés. Nous gagnons le parking, rassasiés. Cette première grosse journée de ride s’est bien passé, c’est toujours crucial en début de trip. Après un bon repas et une nuit courte (nous ne sommes toujours pas calés), nous prenons la direction de Fruita. Il a encore plu cette nuit, nous craignons de rejouer un Thunder Moutain. Le Kokopelli trail d’après un de mes informateurs sur place semble être fréquentable même mouillé. Nous partons pour 30 km typés XC entre plateaux et ravins : un paysage typiquement du Colorado. Le trail est parfaitement fluide, toujours bien aménagé avec intelligence. ll faut rester mobile sur son bike. Nous arrivons sur une cassure où il faut descendre du plateau pour arriver sur un second plus bas. Le passage est très tendu, « double diamant noir », la cotation technique la plus dure aux US, je ne m’hasarde pas. Les marches sont très hautes, c’est très très engagé. Seul Aurélien tente. Il réussi avec brio. Avec son niveau en trial, aucune marche ne l’arrête. Il décide même de remonter ce passage… Incroyable, mais il y laisse beaucoup l’énergie… Malheureusement, le film de cette remontée n’a pas fonctionné, la caméra a fait des siennes. Dommage, ce souvenir restera uniquement dans nos mémoires. La poursuite du parcours est agréable, on essaie de conserver une bonne vitesse. Nos bikes sont un peu gros pour ce genre de parcours, mais ils s’en sortent bien. De plateau en plateau, nous visitons des coins magnifiques, avec toujours en toile de fond un Colorado chargé d’alluvions. De retour à la voiture, nous avons notre compte, il est tant de rentrer et de déjeuner. Un burger américain pour caler, c’est parfait. Ce sont nos premiers repas chargés en calories, rapidement nous chercherons à manger différemment… Le soleil revient plus franchement sur Fruita et vers 15h00, nous gagnons un parking isolé dans le désert, au nord de la ville. Plusieurs véhicules y sont déjà garés, pour la plupart des riders. Second parcours de la journée dans le secteur du 18 Road trails. Nous prenons le départ sous une belle lumière rasante. Le début est roulant et ludique. Puis vient une longue montée pas très raide jusqu’au pied des grandes pentes de terre et de roche. Nous terminons notre ascension par quelques lacets bien raides, nous finissons sur une crête effilée où souffle un vent soutenu. La vue est splendide, le trail joue aux montagnes russes. C’est parti pour une longue descente tout en vitesse. Les toboggans s’enchainent, on prend une vitesse incroyable, le sentier est propre, bien tracé. Alors que je prends bien confiance, je tente un saut en aveugle après une courte remontée. Déjà, je n’avais pas imaginé que je serai catapulté aussi haut, puis je n’aurai jamais pensé que le sentier tournait complètement à gauche. J’atterris donc à côté du chemin, dans un trou. Je prends un bon coup de raquette et repars sur l’avant. Heureusement que la fourche Formula joue parfaitement son rôle et assure une bonne rigidité, j’évite l’OTB. Belle frayeur, mais nous repartons de plus belle. La lumière décline alors que nous regagnons le parking. Direction le Motel, puis le resto et ensuite le lit. Nous avons roulé 45 km aujourd’hui, on a fait le métier comme on dit. Le lendemain, il a encore plu toute la nuit… C’est notre dernière matinée dans le Colorado avant de prendre la route vers Moab. Nous prenons la direction du spot de Lunch Loop. Le temps est bas, nous organisons une navette voiture pour enchaîner 2 trails et faire un peu de descente. L’option sera payante. Le Ribbon trail est très original, puisque nous roulons plusieurs kilomètres sur une immense dalle peu pente. Extra ! Arrivés dans un canyon aux formes torturées, nous poursuivons par Andy’s Trail et son cheminement très ludique. A plusieurs reprises, nous évitons soigneusement de rouler dans l’argile collante. Ici elle est blanchâtre avec des reflets bleus ou verts. C’est simple à reconnaitre, alors nous évitons tous les pièges. Finalement, sans encombre, nous arrivons au parking où une équipe d’étudiants, à la tenue de travail coordonnée, construisent un nouveau sentier VTT. Ils sont au moins une trentaine, pelles et pioches à la main. Une enseignante les dirige de près, le travail avance vite. Nous échangeons avec eux, c’est encore une façon de comprendre comment la pratique s’organise ici. Après quelques jours passés aux USA, nous comprenons que les américains aiment bien faire les choses correctement. L’aménagement d’un sentier, tout en conservant son caractère naturel est important. Les pentes sont toujours les plus faibles possibles, en fonction du relief. Cela favorise le flow et limite l’érosion. C’est bien pensé. Il nous tarde de nous rendre à Moab. Nous y serons dans la soirée. Cette ville est considérée comme la capitale US des sports de plein air. Nous sommes impatients d’y rouler, mais aussi de voir comment sont organisées les choses là-bas… Moab, nous y voilà. Au coeur de notre trip, après Bryce Canyon et Fruita dans le Colorado, nous gagnons dans la capitale des sports outdoor des Etats-Unis. L’arrivée se fait par la highway 191, au fond d’un superbe canyon. Le décor est planté, la magie opère aux portes de la ville. Mais il ne faut pas s’attendre à profiter des charmes de cette bourgade, Moab est une ville quelconque, traversée par une route au trafic dense. On vient ici uniquement pour les merveilles de la nature. D’ailleurs la plupart des visiteurs débarquent pour le Parc National de Arches, mais comme c’est interdit d’y rouler, nous n’y mettrons pas les pieds. N’oubliez pas que si vous êtes dans le coin pendant quelques jours et que vous avez le temps d’y aller, une journée de balade à pied est fortement recommandée. Pour l’heure, nous filons en direction de Slickrock, ce sera notre premier contact à Moab. Et c’est d’ailleurs par là qu’il faut commencer toute première visite. Après avoir acquitté la taxe d’entrée sur le plateau (oui les ricains savent générer des dollars…), nous nous garons sur le grand parking aménagé. Nous ne sommes pas tous seuls, les va-et-vient de riders sont nombreux. Slickrock c’est une ride 100% sur rocher. Ici pas de terre, de racine ou de gravier, on rouler sur du grès du début jusqu’à la fin. Et ce qui est dingue c’est que l’on grimpe des pentes très raides, qu’on oserait jamais tenter ! Allez c’est parti pour 3h dans ce labyrinthe de dalles. Heureusement, les américains ont tout prévu, il faut suivre les pointillés blancs. De temps à autres on croise les passages empruntés par les véhicules à moteur, mais sincèrement ce n’est pas gênant. Au contraire, c’est l’occasion d’admirer ces 4x4 franchir des obstacles incroyables ! Nous enchainons les photos, les passages vidéos, c’est raide, très raide, vraiment très fun. Chaque ascension demande un travail sur soi, il faut faire confiance au matériel, et, dans mon cas, je suis bien heureux de chausser des Squale de chez Hutchinson, ils grippent très forts ! En milieu de parcours, nous décidons de faire une variante pour aller découvrir un point de vue féérique sur le Colorado. Nous quittons les pointillés pour naviguer à vue. Cela devient moins simple, nous perdons pas mal de temps et arrivons assez tard au bout de la falaise, avec une vue plongeante époustouflante sur le fleuve 200 m plus bas. La lumière décline, nous profitons de ce point de vue jusqu’au dernier moment puis décidons de rentrer au pas de course au parking. Mais le chemin est long, on double quelques autres trainards comme nous. Je commence à sentir la fatigue, d’autant plus que les coups de cul se succèdent. Nous arrivons, bien fatigués, à la voiture, il n’y a plus de lumière. C’est moins une ! Direction le camping pour prendre en main notre petit chalet. Sur le plan hébergement, nous l’avions pris cool en pensant arriver à Moab et trouver de la place. Or tout était plein, ne restaient plus que des chambres à 1200 dollars la nuit !!! Heureusement que nous avons trouvé cette solution en camping. Donc pour mémo, ne faites pas comme nous, réservez à l’avance si vous venez à Moab ! Après un bon repas chez Zax (ça deviendra notre cantine du soir), nous filons au lit, le lendemain le réveil est programmé tôt. Le soleil n’est pas encore levé, nous sommes en tenue et en direction de Dead Horse Point où nous laissons un de nos vans. C’est parti pour Mag 7, un enchaînement de 7 très beaux trails de Moab. Sur le papier, la rando devrait vite être expédiée : 400 m de positif, 1300 de négatif, un peu moins de 40 km. Dans 4h on est en bas… Grossière erreur. La première partie est facile et ludique, c’est un profil descendant. Cependant la faible pente, les multiples virages et le grès permanent, demandent une bonne dose d’énergie pour maintenir la cadence… Et les enchaînements non stop des journées sur le bike nous ont déjà bien entamés… Le trail est interminable et magnifique. Sur la fin de cette première partie, nous remontons de longues séries de dalles en plein soleil, il fait chaud, pas de vent… Arrivés au pied de Gold Bar Rim, nous avons déjà notre compte. Et il nous reste une montée exténuante, dans les dalles, plein sud. Les passages sont raides, trop raides pour certains. Il faut gravir des marches, parfois très hautes, ça grimpe tout droit. Chaque coup de pédale demande un effort important, nous arrivons enfin sur la crête, quelle vue ! Tout en bas la higwhay 191, au loin Arches ! C’est l’heure de la pause, je profite même pour dormir 5 minutes. Et j’ai bien fait car pour la suite, j’avais choisi l’option des crêtes (et non l’itinéraire normal qui passe plus bas). C’est superbe pour la vue mais cela nous termine physiquement. C’est du trial à la montée et la descente, sur des kilomètres… On n’en voit plus la fin alors que nous arrivons au début de Portal. C’est la dernière descente avant la voiture. Mais quelle descente ! Portal est considérée comme un des trails les plus techniques de Moab, avec quelques passages très expo. C’est assez mal venu avec notre fatigue. Mais nous nous lançons. Nous partons devant avec Aurélien, heureux d’entamer une descente longue, sans remontée intermédiaire. Au début ça roule bien, quelques passages techniques se franchissent sans encombre. Puis viennent les premiers passages chauds. Plusieurs panneaux recommandent une grande prudence et de passer à pied suite à des chutes mortelles. L’environnement est exceptionnel, les passages bien tendus. Il ne vaut mieux pas tomber en effet ! Plus on descend, plus c’est technique. Après les passages exposés, il faut sortir une bonne technique trial pour tout enchaîner sur le vélo. Aurélien est sur son terrain, je décide de le laisser filer pour attendre Fred et Romain. Je commence à accuser le coup, je préfère lever le pied et assurer la fin sans chute. Finalement, nous arrivons en fin de journée au bord du Colorado, où nous avions laissé le second van. Au lieu des 4h, nous en avons mis 6h ! Il nous faudrait une bonne journée de pause après ça. Et pourtant nous continuons. Dès le lendemain, nous sommes à pied d’oeuvre à plus de 3000 m au départ du Whole Enchilada, LE trail mythique de Moab : 50 km, de la montagne au désert en profil descendant ! Et quel dépaysement. Nous laissons notre van dans les montagnes enneigées de Moab. C’est complètement dingue, la veille nous crevions de chaud et là, il fait 3 degrés ! Nous entamons cette journée sous un magnifique soleil, nos crampons crispent sur la neige. Les couleurs des arbres sont déjà passées à l’automne, les bouleaux sont en feu, le spectacle est incroyable. Rapidement, une bonne montée survient. Elle demande pas mal d’énergie. Pour ne pas trop nous griller, nous poussons nos vélos. Après bien 30 minutes, nous atteignons le point haut de notre parcours, à 3400 m d’altitude, le Burro Pass. De l’autre côté, c’est un trail alpin qui nous attend. Nous dévalons un beau sentier dans un forêt de conifères, la neige de ce versant nord est toujours bien présente, on roule tout en glisse, c’est joueur et parfois traitre. Nous traversons quelques gués, puis quittons la neige et les conifères pour retrouver les feuillus et les bouleaux. Après cette bonne descente, nous grimpons une dizaine de minutes pour basculer côté désert. Nous fermons la porte définitivement à l’espace montagnard, c’est une claque magistrale sur le plan paysage. Au loin les canyons arides de Moab, c’est là que nous allons. Ca parait vraiment très très loin. Le Hazard County donne le ton dans cet espace de transition : le ride est fun, ludique, rapide. Plus bas, nous gagnons le Kokopelli, un trail qui part de Fruita dans le Colorado et qui arrive à Moab. C’est la partie la moins intéressante, large, sur piste. Nous loupons une nouvelle variante sur la droite. Ce sera l’excuse pour revenir à Moab et la rouler. Nous gagnons le bord du plateau avec les célèbres UPS, LPS et Porcupine. Nous croisons de nombreux riders ici. Rares sont ceux qui sont partis du haut comme nous, les « tours operators » locaux les ont tous décourager de partir à 3400 m à cause de la neige. LPS et UPS sont deux trails très joueurs, nous croisons un groupe de français qui suivaient nos aventures via Facebook. Finalement, on roule tous ensemble. Sur Porcupine, avec Aurélien, on accélère le rythme, le groupe s’étire mais tient bon. On maintient une cadence d’enfer, ne lâchant rien dans les relances et en roulant comme des gorets dans les descentes. Porcupine plonge vers le Colorado, on enchaîne les passages techniques. Comme à Fruita, les aménagements sont discrets et permettent de faciliter les zones tendues, voire de les rendre moins dangereuses. La lumière de fin de journée est magique, nous gagnons le parking dans un état d’excitation totale. Un passage à la douche puis chez Zax. On laisse Romain et Fred chercher la voiture de nuit dans les montagnes. Le lendemain, on prend les choses cool, the Whole Enchilada a laissé quelques traces. Nous démarrons il est 11h sous un soleil de plomb. Nous planifions un ride pas trop long du côté de Captain Ahab, un autre secteur mythique. Après 2h30 de ride entre HyMasa, Rockstarter et Jackson nous avons notre compte. Nous quittons Moab pour nous rendre à Sedona. Nous coupons le trajet avec une journée du côté de Monticello, au pays des Indiens, dans les Blue Mountains, pour un trail sauvage, encore à 3000 m d’altitude. Ce matin, à l’aube, nous croisons de nombreux 4x4 et quads, c’est l’ouverture de la chasse, on se croirait dans un terrain militaire. Après quelques hésitations, nous décidons quand même de rouler. Et nous avons bien fait, car une fois le col passé, nous sommes seuls et le ride est excellent. Le sentier est superbe, il joue à travers bois, on se croirait dans les Alpes, c’est magique. C’est une belle découverte que ce sentier, rares sont les riders venant ici et c’est un tort. Le matin, au réveil, nous pointons le nez dehors, il pleut. Nous décidons de nous reposer le matin, en attendant que cela s’arrête, le beau temps est prévu dans l’après-midi. Nous flânons dans les shops locaux où l’accueil est toujours bon. Vers 12h la pluie s’arrête, nous déjeunons tranquillement et nous nous dirigeons vers Ouest Sedona vers 14h30. Le temps se dégage rapidement et nous pouvons rouler en t-shirt, il fait bon, la pluie a ravivé toutes les odeurs des végétaux, c’est extraordinaire. La boucle que nous suivons est un mixte de ce que j’avais imaginé, agrémentée des conseils des gars croisés aux magasins. C’est assez cross-country, mais ce n’est pas pour nous déplaire. Cela nous change du terrain cassant de Moab. Le décor à Sedona est fabuleux. Les tours de grès rouges font partie du paysage, le terrain est d’un orangé brun magnifique, le vert tranchant des arbres termine le tableau. Un régal pour les yeux. Nous terminons cette boucle en fin de journée, il fait presque nuit. Le soir, l’excitation atteint son paroxysme, demain, nous devons rouler la White Line, cette fameuse ligne blanche filmée en drone il y a 1 an et qui a fait des millions de vues sur internet. C’est devenu LA ligne freeride du moment et elle est ici. Durant l’hiver, pendant ma rééducation, en préparant ce trip, j’avais visionné un bon paquet de vidéos. J’avais pu en conclure que c’est dangereux mais jouable. Nous verrons demain matin. Au réveil, grand beau, le terrain a séché, les conditions sont parfaites. On entame une bonne journée de ride par une première boucle à l’ouest de la ville. Nous attaquons l’ascension régulière du Broken Arrow trail. Nous croisons régulièrement des piétons, la cohabitation est bonne et courtoise. Le paysage est toujours aussi magnifique. Puis nous arrivons sur un large promontoire où la White Line se dévoile. Quel spectacle ! Cette ligne blanche, strate rocheuse, montre le chemin dans cet océan de grès orange : après une longue traversée en dévers, il faut descendre un passage bien raide et très exposé, puis revenir en sens inverse, une strate plus bas. Toute la progression se déroule au-dessus d’un a-pic de plus de 100 m de haut. Chute interdite. Nous grimpons les gradins de droite pour atteindre le départ la White Line. Là-haut, les dalles ne sont pas très raides au départ. La White Line invite à la rouler. Mais elle est trompeuse car plus on avance, plus le dévers est prononcé. Sur la fin, il est même important, notamment dans le passage de goulottes creusées par la pluie, où la roue arrière a tendance à se dérober… Il faut rester concentrer et ne pas taper une pédale. Cela demande de bien gérer son pédalage. Le paysage est très ouvert, le vide omniprésent. Le passage le plus dangereux reste le bout de la White Line où il faut descendre 5 à 7 m, pour trouver une autre strate et partir dans l’autre sens. Doser le freinage est primordial, il faut éviter que la roue arrière glisse et surtout amorcer le virage à gauche assez rapidement car la plateforme de retournement une fois en bas est très étroite. 1 ou 2 m plus loin et c’est le grand saut fatal. Romain et Fred restent sur le côté à nous filmer, ils préfèrent ne pas s’y engager. Nous faisons plusieurs passages avec Aurélien, je suis plutôt content d’en finir, on laisse redescendre la tension. La journée se poursuit par le Little Horse trail, puis nous rebouclons par Hog Heaven, un sentier bien technique et aérien. Nous venons de passer la matinée à rouler sur ce spot. L’après-midi, nous prenons la direction du Hangover loop, encore un itinéraire majeur ici, sans doute le meilleur. Nous grimpons tout d’abord sur une piste forestière très large. Cela nous change des montées sur sentiers. En France, nous avons l’habitude de grimper sur des voies larges, aux US, depuis le début de notre trip, toutes nos ascensions se font sur singletrack. Et la différence, c’est que c’est beaucoup plus technique et donc fatigant. Après une petite demie-heure, c’est le départ du Hangover. Nous grimpons à travers des dalles, nous suivons des pointillés blancs qui ouvrent le chemin le plus astucieux. Ca grimpe sur le bike un maximum. En haut, nous gagnons un magnifique col rocheux. L’après-midi est déjà bien avancée. Nous attaquons la première partie de la descente, le ton est donné, c’est bien technique. La progression en balcon demande un bon physique sur les remontées, il faut rester prudent car quelques arbres caches des pentes très abruptes où il sera préférable de ne pas tomber. Plus loin, le sentier descend franchement une série de dalles raides et longues. On navigue à vue et je préfère y aller molo plutôt que de me fourvoyer. C’est assez impressionnant de descendre de tels passages. Plus loin, le sentier est plus conventionnel. Plus on descend, moins il est technique, c’est un plaisir jusqu’en bas. Pour notre dernière journée, ce sera la Hiline du côté de Cathedral Rock. Encore 2h30 de bike génial, varié, ludique et parfois bien technique, avec en prime un rafraichissement dans une rivière ! Extra, nous quittons Sedona avec l’envie de revenir. Nous mettons cap à l’Ouest pour retrouver Las Vegas. Nous y passons une soirée sympa à flâner sur le strip, dans une ambiance assez folle. Sin City porte bien son nom… Après avoir bien ri, nous étions complètement en décalage avec les tentations locales, nous nous couchons un peu avant 3h du matin. A 5h30, le réveil sonne pour un dernier ride avant de prendre l’avion. Nous démarrons au lever du soleil dans une chaleur déjà bien présente. Nous roulons 2h avec des vues imprenables sur Las Vegas. Nos organismes sont bien rouillés, pour ma part, je traine ma jambe cassée durant l’hiver, ça sent le dernier ride, je reste prudent pour ne pas finir au tapis. Surtout que le terrain ici est très glissant, il y fait tellement sec que l’on a l’impression de rouler sur un roulement à billes. A peine le temps de rentrer à l’hôtel, de prendre une douche, de charger nos vélos dans leurs housses, nous sautons dans notre avion satisfait d’avoir mené un trip sans encombres : aucune chute importante, pas d’ennui mécanique, aucun problème d’orientation, des trails magiques. 12 jours comme ça à 4, on en redemande ! Y aller Si l’on suit notre trip en totalité, le meilleur aéroport reste Las Vegas. Les vols sont nombreux, l’aéroport est dans la ville, ce qui permet de ne pas perdre trop de temps dans les transferts. Pensez à réserver une soirée (ou une nuit pour les plus fêtards) pour découvrir cette ville hallucinante. Au retour du trip, c’est préférable… Itinéraires C'est à retrouver dans le VTOPO VTT Trip Ouest Américain et via VTOPO Premium : www.vtopo.fr/itineraires ! Emmener son vélo Si vous emmenez votre vélo, pensez à bien l’emballer. Attention aux cartons, ils peuvent être mal perçu aux aéroports. Pour le top, les housses Evoc sont parfaitement adaptées aux voyages. Le matériel est bien protégé. La majorité des compagnies aériennes ne pose pas de souci au transport des vélos. Aller aux USA Cela arrive très fréquemment, mais vérifiez la date de validité de votre passeport quelques mois avant de partir pour être certain que le jour J, il sera encore bon. Enfin, faites votre ESTA, c’est obligatoire pour entrer sur le territoire américain. Pensez aussi à remplir le document des douanes et de l’immigration dans l’avion. Entrer sur le territoire américain reste facile, mais les procédures sont fastidieuses. Santé Il est indispensable de partir aux US bien assuré, les frais de santé sont très élevés. Relisez vous vos contrats et prenez si besoin une assurance complémentaire (Mondial Assistante ou Europ Assistance, ils ont des contrats occasionnels). Budget Le poste le plus gros reste le billet d’avion (environ 1000 euros). Pour les voitures, il faut compter (tout dépend des saisons) environ 500 euros pour une dizaine de jours. L’essence n’est pas très cher, les péages inexistants dans ce secteur. Si vous partez à plusieurs, en divisant les principaux frais, il faut compter 3000 euros par personne pour 15 jours (tout compris). Quand partir ? Attention, on évolue très souvent en altitude. Dans certains cas, on roulera au-dessus de 3000 m. Pour profiter de l’intégralité des sentiers et des zones, il faut éviter de venir avant début juin. Bien entendu, l’été il fait vraiment très chaud. C’est même inrouable à Moab… A partir de mi-octobre, la neige peut rendre les choses plus difficiles, et les jours commencent à être courts. Septembre semble la meilleure période. Le bike sur place Tous ces spots sont des endroits mythiques aux US, où le bike est devenu une activité principale. Cela signifie que tout est bien organisé pour un maximum de plaisir. Il y a des magasins de vélos dans toutes les grosses villes. Attention aux horaires, ça ferme assez tôt vers 18h en général. Les tarifs sont assez chers, par exemple à Moab, une chambre-à-air coute 10 dollars… Le service est irréprochable, les stocks bien fournis. Bref, vous trouverez de quoi vous dépanner. Sur Moab, il existe des services de navette pour Mag 7 ou Whole Enchilada, renseignez-vous sur internet ou dans les magasins du coin. Les américains étant très avenants de manière générale, n’hésitez pas à échanger avec eux, ils vous donneront toujours les meilleurs tuyaux.De nombreux trails sont dédiés au VTT (même si partagés avec les autres usagers), le balisage est excellent. Par contre restez sur les sentiers dédiés, ne roulez pas où c’est interdit et ne faites pas de hors sentiers. Vous risquez une forte amende. Concernant le VTT électrique, c’est pour le moment difficilement envisageable, car il est considéré comme une moto. Vous serez alors cantonnés aux chemins pour véhicule à moteur, cela perd beaucoup de son intérêt. © Cédric Tassan

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